Friday 28 December 2007

Les Malgaches du XXIe siècle risquent d’habiter un pays sans forêt

Lors des Journées nucléaires des 14 et 15 juin 2007, à l’ex Hilton d’Antananarivo, Pr. Joël Rajaobelison et Dr. Naivo Rabesiranana de l’Institut national des sciences et techniques nucléaires (Instn), ont rapporté ceci : "Madagascar, l’île Rouge, perd tellement de sols provenant de l’érosion (jusqu’à 400 t/ha/an) que ses rivières deviennent rouge sang, entachant l’Océan Indien qui l’entoure. D’après les astronautes, il semble que Madagascar, en perdant son sang, soit en train de mourir. Une juste description, pour un pays faisant face à une grave dégradation environnementale et dont l’économie, basée sur l’agriculture et dépendant de ses sols, ne cesse de se décliner".

En 1978, G. Rossi et G. Donque ont présenté une communication intitulée "Importance, causes et conséquences de la crise morphoclimatique actuelle à Madagascar" à l’Académie malgache (cf. Bulletin de l’Académie malgache, t. 56 [1-2], 1978, pp. 99-104). En voici la teneur de leur communication.

"Madagascar est l’une des régions du monde où l’érosion est actuellement la plus violente. Les manifestations de cette érosion accélérée (lavaka [sur la photo], sakasaka…) font partie du paysage malgache, de même que les vastes étendues plus ou moins incultes qui caractérisent les "tanety" et les "tampoketsa", les collines et les plateaux des hautes terres malgaches.
La moyenne (des pertes en terre) pour l’ensemble de l’île serait de 1,38 mm/an, ce qui est trois fois plus élevée que la moyenne mondiale et signifie l’ablation d’un mètre de sol en un peu plus de sept siècles. Or, on estime que dans des conditions bioclimatiques optimales, il faut 10 000 ans pour que se décompose un mètre de roche.
Madagascar était un pays forestier lorsque l’homme s’y est installé. Or, actuellement, les savanes couvrent à peu près 80 % de la surface de l’île, les forêts n’y subsistent que sous forme de lambeaux, le seul ensemble continu étant celui de la forêt de l’Est.
Il paraît surprenant que si peu d’hommes (3 millions au début de ce siècle), en peu de temps (8 à 10 siècles) aient pu, avec des techniques primitives, détruire une telle étendue de forêt (500 000 km2 environ).
Si l’homme est parvenu à provoquer une telle savanisation, c’est que les forêts qu’il a rencontrées étaient fragiles. Les auteurs ayant abordé ce sujet admettent tous un assèchement du climat depuis la dernière phase pluviale flandrienne.
L’endémisme dû à l’insularité peut être un autre facteur jouant dans le même sens et explique sans doute pourquoi des formations secondaires denses ne se reconstituent pas dans la majorité des cas, faute d’espèces adaptées.
Un autre point à souligner est que, même dans les régions où le climat est encore celui de la forêt, bien souvent la disparition des sols sur les versants entrave le processus de recolonisation de la savane.
Le climat, bien qu’en voie d’assèchement, est caractérisé, même lorsque le total pluviométrique est médiocre, par des précipitations violentes, à forte intensité, particulièrement lors du passage des dépressions tropicales et ce sont ces pluies qui sont les plus efficaces vis-à-vis de l’érosion.
Le paysan, le pasteur malgache, par la pratique du brûlis et des feux de brousse, a déclenché un véritable cercle vicieux dans lequel un sol de plus en plus pauvre porte une végétation de moins en moins dense et diversifiée qui le protège de moins en moins contre l’érosion des eaux courantes.
Les Malgaches étaient un peu plus de 6 millions en 1964. Ils seront plus de 10 millions en l’an 2000 et si les techniques de production n’évoluent pas rapidement, si une organisation rationnelle de l’espace n’est pas programmée, et si parallèlement, des actions concertées d’aménagement des bassins versants et de protection des sols ne sont pas mises en œuvre, les Malgaches du XXIe siècle risquent d’habiter un pays sans forêt et manquant de terres cultivables.
Les paysages des hautes terres, faits d’une succession de croupes pelées se répétant à l’infini, de plateaux couverts d’une maigre steppe, paysages nus dans lesquels le moindre boqueteau accroche l’œil, pays pauvres surpeuplés avec des densités moyennes de 30 habitants/km2, donnent une idée de ce que pourraient devenir de vastes régions de l’île".

Sources : http://www.lexpressmada.com/ du 28/12/2007

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