Wednesday 26 December 2007

Ecoles électroniques en Afrique : Entre mythe et réalité

A présent, des jeunes écoliers africains ont l’opportunité de s’initier aux technologies de l’information et de la communication (TIC) dès le niveau primaire. Ce, afin de pousser les communautés africaines à mieux intégrer la société de l’information d’aujourd’hui et l’économie mondiale de demain.

Le programme “e-Ecoles du Nepad” est une initiative lancée par les chefs d'Etat africains réunis à Durban le 13 juin 2003 à l’occasion du Sommet africain du Forum économique mondial. Il vise à établir quelque 600 000 écoles électroniques ou e-Ecoles en Afrique.
Le but est de réduire la fracture numérique tout en améliorant les pratiques éducatives sur le continent par la maîtrise des TIC. La tâche s’avère difficile dans un contexte marqué par de multiples adversités et contraintes.
Une forme d’évangélisation “informatique” auprès des Africains se laisse découvrir derrière le programme “e-Ecoles du Nepad”. Pour la plupart, ceux-ci restent marginalisés en matière d'accès au savoir. L’Afrique détient le record mondial du taux d'analphabétisme.
En 2005, 40 % des Africains âgés de plus de 15 ans ne savent ni lire ni écrire si le taux est de 24 % en Asie, 7 % en Amérique et 2 % en Europe, selon l’Unesco. Une observation particulière est faite pour les jeunes africains âgés de 15 à 24 ans.
Ils sont à 20 % d’analphabètes si leurs pairs asiatiques le sont à 13 %, les Américains à 3 % et les Européens à 0,03 %, selon toujours la même source. A noter que le taux de scolarisation dans l'enseignement primaire a progressé de 36 % en Afrique subsaharienne entre 1999 et 2005, selon la sixième édition du Rapport mondial de suivi sur l’Education pour tous lancé par l’Unesco le 29 novembre dernier.

Carte d’accès au village planétaire

D’une manière générale, l’Afrique a une faible capacité d’intégration globale dans les échanges mondiaux. Les Africains âgés de moins de 25 ans, près de 60 % de la population africaine, sont loin d’obtenir leur carte d’accès au “village planétaire”.
Appelé aussi “village électronique”, celui-ci impose à chacun la maîtrise des TIC comme une des conditions essentielles de survie. L’économie de demain aura besoin de personnes ayant des compétences en TIC. Les pays africains, pour la plupart des sous-développés, sont obligés de suivre le rythme s'ils veulent se développer.
Le programme “e-Ecoles du Nepad” consiste, en effet, à transmettre les compétences en TIC aux jeunes africains en milieu scolaire du niveau primaire et secondaire. Il touche quelque 600 000 établissements scolaires en Afrique, dont 10 % du niveau secondaire, dans le but de les transformer en “écoles électroniques”.
Au sens Nepad du terme, une e-Ecole n’est pas une création nouvelle. C’est en fait une école déjà existante. Mais à doter d’un parc informatique où les équipements suivants sont obligatoires : un minimum de 20 ordinateurs interconnectés entre eux et un serveur connecté à l’Internet. Un autre ordinateur connecté aussi doit être installé dans une salle accessible au personnel de l'école.
Comme accessoires souhaités pour compléter le parc : des équipements audiovisuels consistant en un poste téléviseur, un décodeur et un VCR, deux imprimantes (une en couleur et une autre en noir en blanc ou deux imprimantes en noir et blanc faute d’imprimante en couleur), un ordinateur portable, un videoprojecteur, un écran géant, un scanner, un appareil numérique, un climatiseur (ndlr : on est en Afrique)…

Améliorer les pratiques éducatives en Afrique

Voilà le minimum requis pour faire entrer les jeunes écoliers africains dans le village global des TIC. Du coup, les instituteurs(trices) et enseignants sont contraints de se familiariser avec les technologies dans l’exercice de leur métier. C’est de la sorte que les pratiques éducatives en Afrique pourront s’améliorer de manière substantielle, d’après le Nepad.
Il s’agit d’un vaste et ambitieux programme dont la mise en œuvre nécessite une large gamme de coopération avec le secteur privé et la société civile en termes de fourniture d’équipements nécessaires, d’encadrement technique, de financement… Les apports financiers externes et internes sont plus que vitaux.
Les firmes bien en vue à l’échelle du monde telles qu’AMD, Hewlett-Packard, Microsoft, Oracle Corporation et Cisco Systems sont parmi les parties prenantes au programme. Elles apportent leur assistance technique et fournissent gratuitement les logiciels nécessaires.
A ce titre, il est opportun de rappeler ici la signature d’un accord de partenariat stratégique entre l’Unesco et HP le 19 décembre 2007 en vue de renforcer leur collaboration autour de projets existants dans le domaine de l’éducation.
“Il est essentiel que l’Unesco et HP aident les pays en développement, en particulier les Etats africains, à rattraper leur retard en matière de technologies de l’information et à devenir des partenaires à part entière de la société du savoir”, a alors déclaré Koïchiro Matsuura, directeur général de l’Unesco.

Devenir citoyen du village électronique par les TIC

La philosophie du programme “e-Ecoles du Nepad” compléterait à cet égard la formule d’Emmanuel Kant selon laquelle “l’homme ne peut devenir homme que par l’éducation”. Aussi aurait-on pu lire ceci : “Le jeune africain d’aujourd’hui ne peut devenir citoyen du village électronique de demain que par les TIC”.
La maîtrise des TIC est devenue un enjeu important voire une nécessité absolue pour l’avenir des Africains. “Alors que nous avons besoin de nourritures et d’eau, nous avons aussi besoin d’instruments et d’outils qui nous permettront de nous procurer les nourritures et l’eau et de contrôler notre développement”, a souligné Dr Nii Quaynor, professeur de science informatique à l’université de Cape-Coast Ghana et non moins un des promoteurs de la connexion Internet en Afrique.
L’initiative “e-Ecoles du Nepad” a été conçue dans le contexte de marginalisation au niveau de l’accès au savoir vécu par l’Afrique, d’après les précisions fournies par les responsables de la Commission e-Afrique. La mauvaise compréhension des Objectifs millénaires du développement (OMD) est ainsi pointée du doigt. Pas accusateur en tout cas.
“Le plus souvent, on se focalise sur l’accès à l’éducation. Mais les objectifs aussi concernent la qualité de l’éducation. Il en est de même de l’Education pour tous (EPT). Aujourd’hui, quand on parle de qualité de l'éducation, on ne peut pas faire abstraction de l'intégration des TIC dans les pratiques éducatives”, a expliqué Dr Philippe Mawoko, directeur de projet au sein de la Commission e-Afrique à Pretoria Afrique du Sud. Créée en 2001 et incorporée à l’équipe de Nepad en 2002, cette Commission est l’organe chargé de gérer en amont le programme e-Ecoles, entre autres.
“Dans ce sens, e-Ecoles du Nepad est conforme par rapport aux OMD, à l’EPT et aux résultats de différentes activités au niveau mondial dans le domaine des technologies, notamment le Sommet mondial de la société de l’information”, a ajouté Dr Philippe Mawoko. L’immensité du projet est plus que jamais rendue à l’évidence.

Phase de démonstration

Le nombre d’établissements scolaires du niveau primaire et secondaire en Afrique va bien au-delà de 600 000 visés par le programme. “Ils seront tous impliqués”, a précisé Jeanne Meta, directrice de la phase de démonstration de “e-Ecoles du Nepad”.
Ladite phase concerne les pays suivants : Algérie, Burkina Faso, Cameroun, Egypte, Gabon, Ghana, Kenya, Lesotho, Mali, Maurice, Mozambique, Nigeria, Rwanda, Sénégal, Afrique du Sud et Uganda à raison de six écoles nominées par pays.
Les activités menées dans chacun d’entre eux ont fait l’objet de trois différents suivis et évaluations en janvier et juillet 2006 et en mars 2007. Un rapport final sera publié avant la fin de l’année 2007.
Interrogée à ce sujet vers mi-décembre, Jeanne Kate a répondu en ces termes : “Les résultats obtenus sont déjà immenses”. En réalité, la conduite des deux prochaines phases du programme en tiendra compte. En tout état de cause, la poursuite du programme pour le moyen terme et le long terme mérite quelques considérations.
Le programme s’adresse à une région du monde où le vih/sida cause chaque année des ravages humains importants. Les dix premiers pays les plus touchés se trouvent en Afrique subsaharienne où le sida a tué plus de deux millions de personnes en 2004. Et, rien que pour cette même année, plus de trois millions de nouveaux cas d’infection ont été enregistrés.

Crise énergétique majeure

Le programme jouera un rôle non négligeable en matière de lutte contre l’expansion de la pandémie. L’information et la communication qu’il véhiculera répondront aux exigences de l’éducation préventive pour les jeunes écoliers africains.
Puisqu’il s’agit de connectivité de l’Afrique avec le reste du monde, le manque en infrastructures reliées est un des handicaps majeurs soulevés. La rapide mise en œuvre du projet fibres optiques pour desservir le continent a été exprimée à Johannesbourg le 15 octobre dernier lors de la réunion des ministres africains des Télécommunications.
Par ailleurs, le projet “Connecter l’Afrique”, discuté durant le Sommet de dirigeants à Kigali, Rwanda, les 29 et 30 octobre derniers, vaut 55 milliards de dollars. Les engagements pris par l’Association GSM, la Banque mondiale, l’Union européenne et la Banque africaine de développement en faveur des TIC en Afrique sont prometteurs à cet effet.
Dans la même foulée, des garanties ont été données en vue d’interconnecter toutes les capitales et grandes villes africaines aux infrastructures TIC à large bande et de renforcer la connectivité avec le reste du monde à l’horizon 2012. A confronter à la "crise énergétique majeure" annoncée par la Banque mondiale à Londres en novembre 2006.
Selon Jamal Saghir, directeur du département Eau et Energie de cette institution, près de 60 % des personnes vivant en Afrique subsaharienne – et programme e-Ecoles du Nepad avec – n’auront pas accès à l’électricité d’ici 2020. La fréquence des délestages intempestifs dans les villes importantes comme Johannesbourg, Nairobi, Dakar… en est un signe avant-coureur.

Faible budget alloué à l’éducation

Le taux d’accès à l’énergie est actuellement de 24 % pour l’ensemble de l’Afrique. Selon les prévisions de la Banque mondiale, l’Afrique doit investir 4 milliards de dollars par an pour faire passer ce taux à 47 % d’ici 2030.
Un autre fait saillant qui risque de nuire à la réussite du programme invite les observateurs avertis à jeter un regard sur le faible budget alloué à l’éducation par les pouvoirs publics. Certes, la participation financière effective de chaque pays est requise pour créer les e-Ecoles.
Le Nepad en suggère même l’intégration dans le budget annuel du ministère chargé de l’Education. Selon l’Unesco, dans son rapport publié en décembre 2007, le budget public consacré à l’éducation a progressé de plus de 5 % par an en Afrique subsaharienne (…).
En revanche, le nouveau rapport (édition 2007) de l’Institut de statistique de l’Unesco à l’université de Montréal à Canada indique que le budget consacré à l’éducation dans un seul pays du niveau de l’Allemagne, la France, l’Italie ou le Royaume-Uni est supérieur à celui consacré à l’éducation par l’ensemble de la région subsaharienne du continent africain.
Un énième facteur influent, pouvant être une source de blocage, est d’ordre comportemental. Des sociologues, spécialistes de l’éducation à l’instar du professeur François Rajaoson de l’université d’Antananarivo, aiment répéter à leurs étudiants que le succès de l’apprentissage des TIC n’est pas évident avec les personnes d’un certain âge. Le refus des adultes à s’adapter aux technologies modernes se comprend par l’analyse de la “socialisation secondaire”.
Nous voulons en venir ici à l’implication systématique des instituteurs(trices) et enseignants africains dans la mise en œuvre du programme e-Ecoles du Nepad, qui, pour le moment, navigue entre mythe et réalité malgré les vifs intérêts qu’il suscite pour l’avenir des enfants africains.

Des germes des e-Ecoles existent à Madagascar

Madagascar ne sera pas concerné par la mise en œuvre du programme e-Ecoles du Nepad aussi longtemps que le pays n’aura pas ratifié le protocole de Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP), un autre programme du Nepad. Nous pouvons toutefois signaler des projets similaires, germes des e-Ecoles, émanant des initiatives gouvernementale et privée chez nous. C’est le cas du village TIC de Sambaina Manjakandriana placé sous la responsabilité directe du ministère de l’Education nationale et de la Recherche scientifique depuis 2004. Côté secteur privé, nous citons l’exemple de l’école Le Petit Nid dans la ville d’Antananarivo dont le programme scolaire annuel comprend le volet apprentissage des TIC dès le niveau primaire.
Sources : Le Quotidien, Antananarivo du 26/12/07, p. 09

2 comments:

Tattum said...

Bonne Année 2008!
Je découvre ton blog aux thèmes intéressants. Cet article en particulier a attiré mon attention, car nous (bloggers malagasy) venons de lancer un projet dans ce sens: Telomiova.org

Nous continuons à étoffer l'équipe intéressée pour mener ce projet à objectif, tu es le bienvenu.
http://telomiova.org

Rivonala Razafison said...

Bonjour,
Merci pour l'invitation. C'est quoi exactement le projet Telomiova ?
Merci de me laisser un message sur mon blog.
Rivonala R.