Thursday 20 December 2007

Crocodile du Nil : Le danger de la chasse « autorisée » à Madagascar

"Le crocodile figure parmi les espèces nuisibles à Madagascar. Nous pouvons le chasser dans ce cas. Mais il faut respecter les règles surtout quand il s’agit de vendre sa peau. Le nom de ce reptile est cité dans l’annexe II de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction ou CITES".
C’est en ces termes que le ministre de l’Environnement, des Eaux et Forêts et du Tourisme, Harison Edmond Randriarimanana, a répondu à la question du sénateur Hassany Bin Mohamady, ce mercredi 19 décembre 2007, lors du dernier face-à-face du Gouvernement et du Sénat pour cette année.
Le parlementaire a rapporté vaguement les dégâts causés par ce reptile au bétail de l’Ouest de Madagascar, sa région d’origine. Pour insister sur la dangerosité de cet ovipare vertébré, le législateur a cité des cas d'"hommes croqués" sans en citer les noms, ni la date ni le lieu des drames.
Selon le statut de conservation de l’Union mondiale pour la nature, le crocodile du Nil est une espèce menacée. A la lumière de la publication de l’encyclopédie électronique libre Wikipedia, l’effectif total dans le monde est estimé entre 250 000 à 500 000 aujourd’hui.
La réduction des populations est due à la surcharge dont l’espèce a fait l’objet durant une partie du siècle dernier. Par conséquent, les pays indiqués dans l’annexe II de la Convention citée plus haute est soumis à un régime de quota d’exportation annuel. "Pas plus de 1 600 spécimens sauvages, y compris les trophées de chasse, en plus des spécimens de ranchs" pour la Tanzanie en particulier.
Il existe 23 espèces différentes de crocodiliens vivant sur la terre. Mais une seule d’entre elles est répertoriée sur la terre malgache. Il s’agit de Crocodylus nitolicus, selon les promoteurs du Croc’ Farm à Ivato. C’est un parc biologique et botanique privé et vaste de 3 ha se trouvant à moins d’une heure de marche à pied à l'Ouest du premier aéroport international du pays.
Le site du Croc’ Farm abrite plusieurs espèces de reptiliens dont le crocodile du Nil en captivité. Plus de 8 000 crocodiles éclosent chaque année dans les incubateurs et sont élevés dans les meilleures conditions possibles da façon à produire du cuir exporté vers l'Europe en majeure partie.
D’après le naturaliste amateur Pierre-Yves Vaucher, le crocodile du Nil habite l’ensemble de l’Afrique. Il est notamment présent dans l’Afrique subsaharienne. Il peuplait autrefois les Seychelles et les Comores. Mais une sous-espèce connue sous le nom scientifique de Crocodylus niloticus madagascariensis vit à Madagascar.
La Wikipedia, quant à elle, semble ne pas être de cet avis. Au moyen d’une cartographie montrant la répartition géographie du Crocodylus nitolicus, elle appuie que la partie occidentale de la Grande île est vue comme l'habitat naturel de cette espèce.
Il faut effectivement se méfier des fleuves et rivières, des lacs et mares importantes de la zone géographie indiquée. Le fameux lac Ravelobe (cf. photo ci-contre), réputé être un lac sacré, au Parc national d’Ankarafantsika, compte parmi les endroits les plus redoutables à ce propos.
Les crocodiles sont très agressifs dans l’Ouest de Madagascar. "Ils sont opportunistes. Tout ce qui peut passer à leur portée est bon pour le petit-déjeuner", écrit Pierre-Yves Vaucher. Et lui d’ajouter : "A l’affût, ils (les crocodiles) attendent que tout ce qui bouge passe près d’eux".
De toutes les façons, le crocodile du Nil infeste les fleuves de Sahabe, d'Ilakana… Autant de cours d’eau qui alimentent le lac Alaotra, la plus vaste étendue d’eau continentale du pays avec ses plus de 20 000 ha d’eau dégagée, laquelle étant localisée sur les Hautes Terres à proximité du corridor forestier de l’Est Ankeniheny-Zahamena.
La même observation aussi est valable pour le fleuve de Mangoro qui traverse l’Est du falaise d’Angavo et le pays du Betsimisaraka du Sud avant de rejoindre les eaux de l’Océan Indien au Sud de la ville de Mahanoro et au Nord de la ville de Nosy-Varika.
En revanche, la forte présence du crocodile du Nil plus dans l’Ouest que dans l’Est de Madagascar devrait susciter des intérêts scientifiques majeurs à plus d’un titre. Eventuellement, l’union du pays avec l’Afrique dans le passé lointain pourrait s’expliquer par le peuplement de ce reptile.
Au moins une hypothèse peut être émise sur la géomorphologie du pays. Selon les études géologiques, la croûte terrestre malgache présente deux subdivisions bien distinctes l’une de l’autre : la zone sédimentaire à l’Ouest et le socle cristallin à l’Est.
La question est alors de déterminer et/ou de savoir les conditions physiques, biologiques, chimiques… qui font que le crocodile du Nil s’acclimater plus à la zone sédimentaire qu’au socle cristallin de Madagascar.
Interrogé à ce sujet, le naturaliste Pierre-Yves Vaucher donne les précisions suivantes : "La réponse est dans les mouvements de la croute terrestre, la dérive des continents au fil des millions d'années où l'île s'est séparée du continent. Les crocodiles qui étaient sur la portion de terre qui s'est détachée du continent africain ont survécu dans la partie vraisemblablement plus humide et plus proche (Ouest) du continent".
Pour toutes ces raisons, la chasse "autorisée" du crocodile pourrait emporter avec elle un secret à élucider lié à l’existence physique de Madagascar si, un de ces jours, cette "espèce nuisible" venait à disparaître complètement du territoire malgache.
Rivonala Razafison
Pour plus d'informations, visitez http://www.reptel.mg/ et http://www.batraciens-reptiles.com/

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